Débuter son activité en freelance : quelle forme juridique ?

Dernière révision : Dernière révision :9 avril 2019

De plus en plus de professionnels choisissent d'exercer leur activité en indépendant. La question de la forme juridique adoptée doit impérativement être intégrée à la conception du business plan. Ce choix aura des conséquences importantes, en termes de comptabilité et de fiscalité, mais aussi de responsabilités et de statut social pour le chef d'entreprise.

L'entrepreneur devra dans un premier temps décider s'il souhaite exercer en son nom personnel (entreprise individuelle) ou créer une société (EURL ou SASU). La première option offre davantage de simplicité, mais implique une responsabilité accrue du chef d'entreprise. Le cas particulier de l'entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL) permet de limiter cet inconvénient. À l'inverse, la création d'une société demandera davantage de formalisme, mais pourra faciliter sur le long terme le développement de l'activité, offrir davantage d'outils d'optimisation fiscale, et éventuellement permettre de valoriser la société en préparant l'entrée d'autres associés.

1. L'entreprise individuelle (EI)

Caractéristiques - L'entreprise individuelle constitue souvent le premier choix du professionnel qui souhaite démarrer son activité sans trop de formalisme. Il s'agit d'un statut relativement souple et simple à appréhender. Il présente en revanche un inconvénient principal en matière de responsabilité, dans la mesure où il n'y a pas de distinction entre le patrimoine du chef d'entreprise et celui de son entreprise. L'entrepreneur est donc personnellement responsable des dettes de l'entreprise sur l'ensemble de ses biens.

Ce risque pourra toutefois être diminué en :

  • effectuant une déclaration d'insaisissabilité devant notaire pour les biens immobiliers qui ne sont pas affectés à l'usage professionnel ; ou
  • en optant pour le statut d'entreprise individuelle à responsabilité limitée (voir ci-après) ;

L'entrepreneur individuel est seul dirigeant de son activité, pour laquelle il dispose des pleins pouvoirs. Ses décisions ne requièrent aucun formalisme particulier.

Remarque : la résidence principale de l'entrepreneur individuel est protégée, car elle est insaisissable en cas de dettes professionnelles.

Formalités - La création d'une entreprise individuelle est simple. Elle ne nécessite pas de rédaction de statuts ni de constitution d'un capital social. Il suffit de réaliser une déclaration auprès Guichet des formalités des entreprises.

Remarque : concernant les artisans, l'immatriculation au répertoire des métiers a été supprimée. Le stage de préparation à l'installation est devenu facultatif.

Fiscalité à l'impôt sur le revenu - le principe étant celui de la transparence entre l'entreprise et le dirigeant, les bénéfices de l'entreprise sont imposés à l'impôt sur le revenu, directement entre les mains du chef d'entreprise.

Régime social du dirigeant - Le chef d'entreprise cotise au régime des travailleurs non salariés (TNS). Le montant des charges sociales est calculé sur l'intégralité du bénéfice de l'entreprise, et non sur la rémunération versée au chef d'entreprise comme pour les sociétés imposées à l'impôt sur les sociétés.

Le statut spécial de micro-entrepreneur

Anciennement appelé autoentreprise, le régime de micro-entrepreneur est un régime de paiement simplifié des charges sociales. Il est ouvert aux entreprises individuelles (EI), entreprises individuelles à responsabilité limitée (EIRL) et entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée (EURL) dont le chiffre d'affaires sur l'année est inférieur à :

- 170 000 € pour une activité de vente ou de prestations d'hébergement (sauf location d'habitations meublées dont le seuil est de 70 000 €) ; ou

- 70 000 € pour les prestations de services.

Le régime micro-entrepreneur simplifie le calcul du bénéfice en appliquant un abattement forfaitaire sur le chiffre d'affaires annuel. Cet abattement est de :

- 61 % pour les activités d'achat-revente ou de fourniture de logement ;

- 50 % pour les autres activités industrielles et commerciales ; et

- 34 % pour les activités non commerciales.

Les charges sont calculées sur ce bénéfice calculé après abattement, et le micro-entrepreneur n'a donc pas besoin de présenter une comptabilité détaillée. En revanche il est obligatoire de créer un compte dédié à l'activité de l'entreprise (même s'il ne s'agit pas d'un compte professionnel).

2. L'entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL)

Avantages - l'EIRL est une forme particulière d'entreprise individuelle. Elle permet de limiter la responsabilité du chef d'entreprise, en affectant un patrimoine à son activité professionnelle, qui sera séparé de son patrimoine personnel. Cette affectation permet de protéger le patrimoine personnel de l'entrepreneur en cas de cessation des paiements (dépôt de bilan). En effet, dans ce cas seule la liquidation judiciaire du patrimoine professionnel affecté à l'EIRL pourra être demandée par les créanciers professionnels qui souhaitent être remboursés (fournisseurs, prestataires, etc.). Mais le patrimoine personnel de l'entrepreneur restera insaisissable (sauf en cas de fraude avérée du chef d'entreprise).

Formalités - pour bénéficier de ce statut, il suffit de procéder à une déclaration d'affectation du patrimoine à l'EIRL, qui peut être réalisée au moment de la création de l'entreprise individuelle, ou dans un second temps.

La déclaration doit lister les biens affectés à l'activité de l'EIRL, et contenir l'estimation de leur valeur. Certaines formalités spécifiques sont à réaliser en fonction du bien affecté :

  • les biens d'une valeur supérieure à 30 000 € doivent être évalués par un expert (commissaire aux comptes, association de gestion et de comptabilité, ou expert-comptable), dont le rapport d'évaluation est à joindre à la déclaration ;
  • pour les immeubles, l'évaluation doit être réalisée par un notaire ;
  • pour les biens communs à des époux ou à des copropriétaires (indivision), l'accord du conjoint ou du copropriétaire est obligatoire.

La déclaration est à déposer au centre de formalités des entreprises (CFE) compétent. Cette déclaration peut être réalisée en même temps que la déclaration de création de l'entreprise individuelle (voir plus haut).

Possibilité d'opter pour l'impôt sur les sociétés - En principe, comme toute entreprise individuelle, l'EIRL est soumise à l'impôt sur le revenu. Mais il est possible d'opter pour l'impôt sur les sociétés, sur demande effectuée auprès du service des impôts du siège social.

Les entreprises dont le chiffre d'affaires annuel est inférieur à 7,63 M€ bénéficient d'un taux réduit d'impôt sur les sociétés pour la part de bénéfices inférieure à 500 000 €. En outre, le montant de l'impôt fait l'objet d'une réduction progressive jusqu'en 2022 :

Bénéfices Exercice fiscal ouvert à compter du 1/1/2018 Exercice fiscal ouvert à compter du 1/1/2019 Exercice fiscal ouvert à compter du 1/1/2020 Exercice fiscal ouvert à compter du 1/1/2021 Exercice fiscal ouvert à compter du 1/1/2022
Entre 0 € et 38 120 € 15 % 15 % 15 % 15 % 15 %
Entre 38 120 € et 500 000€ 28 % 28 % 28 % 26,5 % 25 %
Plus de 500 000 € 33, 1/3 % 31 % 28 % 26,5 % 25 %

Régime social - comme dans toute entreprise individuelle, le chef d'entreprise de l'EIRL est au régime des travailleurs non salariés (TNS). Le montant des charges sera différent selon le régime d'imposition choisi :

  • à l'impôt sur les revenus : les charges sont calculées sur la totalité des bénéfices ;
  • à l'impôt sur les sociétés : les charges sont calculées sur la rémunération versée au chef d'entreprise.

3. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL)

Avantages - l'EURL est une forme spéciale de société à responsabilité limitée (SARL), avec pour particularité d'avoir un associé unique (elle est aussi appelée SARL unipersonnelle). Les règles applicables sont donc identiques à la SARL, à la différence que les pouvoirs et les obligations normalement attribués à la collectivité des associés sont attribués à l'associé unique.

Contrairement à l'entreprise individuelle, l'EURL est une société disposant d'une personnalité juridique propre. Cela signifie notamment que son patrimoine est séparé du patrimoine de l'associé unique. Par équivalent, la responsabilité de l'associé unique est limitée à ses apports au capital social, dont il a librement fixé le montant.

Formalités - la première étape pour la création d'une EURL est de rédiger ses statuts. Ce document contient les informations générales (siège social, dénomination, capital, etc.), les règles d'organisation et de fonctionnement de la société.

Les statuts devront notamment procéder à la nomination du gérant qui sera chargé de la gestion de la société. Le gérant peut être l'associé unique lui-même, ou il peut désigner un tiers pour remplir cette fonction.

La création de la société doit être annoncée par la publication d'un avis de publicité dans un journal d'annonces légales du département du siège social de la société.

L'associé unique doit ensuite réaliser l'apport qui constituera le capital de la société. Cet apport peut être fait en numéraire (c'est-à-dire en argent) ou en nature (en biens matériels, brevets, marques...) :

  • l'apport en numéraire est déposé sur un compte en banque ouvert au nom de la société en création. L'apport en numéraire peut être libéré partiellement, à condition de déposer au moins 1/5e du montant total à la constitution de la société, et de déposer le reste dans un délai de cinq ans à compter de l'immatriculation de l'EURL ;
  • l'apport en nature doit être transféré à la société. Dans certains cas une estimation doit être réalisée par un commissaire aux apports (voir ci-après).

Remarque : les apports en nature doivent être estimés par un commissaire aux apports, dont le rapport est annexé aux statuts. Le commissaire aux apports est désigné par l'associé unique parmi les commissaires inscrits sur la liste des commissaires aux comptes.

L'associé unique peut écarter le recours à un commissaire aux apports lorsque les deux conditions suivantes sont respectées :

- la valeur de chaque apport en nature est inférieure à 30 000 euros, et

- la valeur totale de l'ensemble des apports en nature n'excède pas la moitié du capital social.

Dans ce cas, l'associé unique est responsable de la valeur attribuée aux apports en nature pendant cinq ans, à l'égard des tiers.

Une fois ces démarches préalables accomplies, l'associé unique doit déposer sa déclaration de création de la société auprès Guichet des formalités des entreprises.

Remarque : la société peut être domiciliée dans un local commercial, dans une société de domiciliation, ou au domicile de son gérant. Dans ce dernier cas, la domiciliation est limitée à 5 ans s'il existe un empêchement contractuel ou légal (interdiction par la convention de copropriété, réglementation municipale, etc.).

Choix de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés - lorsque l'associé unique de l'EURL est une personne physique (un particulier), il est personnellement imposé sur le bénéfice de la société à l'impôt sur le revenu. Il est possible d'opter pour une imposition à l'impôt sur les sociétés (choix irrévocable).

Régime social du dirigeant - le gérant qui est également associé unique de l'EURL est au régime des travailleurs non salariés (TNS). L'assiette des cotisations sociales dépend de l'option fiscale choisie :

  • lorsque la société est à l'impôt sur les revenus, la totalité du bénéfice réalisé est prise en compte ; et
  • lorsque la société est à l'impôt sur les sociétés, c'est la rémunération versée au gérant associé unique qui est prise en compte. Si le gérant associé unique ne se verse pas de rémunération, il doit quand même payer un montant forfaitaire de charges sociales.

Remarque : l'EURL dont le gérant est aussi associé unique peut bénéficier du régime de la microentreprise (voir plus haut).

4. La société par actions simplifiée à associé unique (SASU)

Avantages - La SASU est une forme de société par actions simplifiée (SAS) avec un associé unique. Comme l'EURL il s'agit d'une société ayant son patrimoine propre, et limitant la responsabilité de l'associé unique à ses apports en capital, qu'il a librement fixé. Elle est gérée par son président, qui est souvent l'associé unique lui-même.

Formalités - les formalités sont identiques à celles de l'EURL. L'associé unique doit rédiger les statuts de la SASU, qui contiendront ses informations générales (siège social, dénomination, capital, etc.), ses règles d'organisation et de prise de décision. La SASU est un mode de société souple, les statuts peuvent donc prévoir des dispositions très variées.

Les statuts devront notamment procéder à la nomination du président qui sera chargé de la gestion de la société. Il peut être l'associé unique lui-même (souvent le cas en pratique), ou un tiers.

La création de la société doit être annoncée par la publication d'un avis de publicité dans un journal d'annonces légales du département du siège social de la société.

L'associé unique doit ensuite réaliser l'apport qui constituera le capital de la société. Il n'y a pas de capital social minimum. Cet apport peut être fait en numéraire (c'est-à-dire en argent) ou en nature (en biens matériels, brevets, marques...) :

  • l'apport en numéraire est déposé sur un compte en banque ouvert au nom de la société en création ;
  • l'apport en nature doit être évalué. Dans certains cas un rapport d'estimation doit être établi par un commissaire aux apports (voir plus haut).

L'associé unique doit déposer sa déclaration de création de la société auprès Guichet des formalités des entreprises.

Impôt sur les sociétés par défaut - La SASU est soumise de plein droit à l'impôt sur les sociétés (voir le tableau ci-dessus).

La SASU peut opter temporairement pour une imposition à l'impôt sur le revenu pour une durée de 5 ans maximum. Les bénéfices sont alors imposés directement entre les mains de l'associé unique.

Régime social du président - le président de la SASU est assimilé salarié. Cela signifie qu'il est affilié au régime général de la sécurité sociale et dispose d'une meilleure couverture sociale. Le montant des charges est calculé sur la rémunération qu'il perçoit (une fiche de paie doit être établie). En l'absence de rémunération, le président ne bénéficie pas de couverture sociale.


Julien Poirée

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