Les différences entre le contrat de travail et le contrat de freelance

Dernière révision : Dernière révision :28 février 2019
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Un chef d'entreprise est en principe libre de recruter un salarié ou de recourir aux services d'un travailleur indépendant (freelance, micro-entrepreneur, etc.). Si dans les deux cas le but poursuivi est souvent similaire (la réalisation d'un travail contre rémunération), la relation et les règles applicables entre les parties seront différentes. Dans le premier cas, le contrat de travail implique une relation de subordination entre un employeur et un salarié, tandis que dans le second, il s'agit d'un contrat de service supposant une relation d'indépendance entre un prestataire et un client. Il est important d'être capable d'identifier les différences et les implications de chaque relation, car les conséquences peuvent être lourdes. Un contrat de freelance pourra être requalifié en contrat de travail par un juge s'il estime que le contrat dissimule un emploi salarié.

1. Le contrat de travail est rigoureusement encadré

Le contrat de travail est régi par un ensemble de règles légales que l'on regroupe sous la qualification de droit du travail. Ce régime juridique laisse de façon générale moins de place à la liberté des parties dans la négociation du contenu et des termes du contrat.

Les règles du droit du travail sont principalement réunies dans le Code du travail et le Code de la sécurité sociale. Un chef d'entreprise devra également avoir connaissance des accords collectifs ou des conventions collectives susceptibles de s'appliquer à son activité.

Remarque : la loi du 8 août 2016 a renforcé la possibilité pour la direction et les représentants des salariés d'une entreprise de négocier et de signer un accord d'entreprise. Ces accords portent notamment sur les questions de rémunération, de temps de travail, de partage de la valeur ajoutée et d'égalité professionnelle et qualité de vie au travail. Ils peuvent déroger aux conventions collectives et accords collectifs dans certains domaines comme la durée ou les horaires de travail.

Le chef d'entreprise qui a recours au contrat de travail devra donc impérativement se conformer à la législation du travail ainsi qu'aux accords ou conventions qui lui sont applicables. Parmi les principales règles, on trouve celles qui sont relatives :

  • Au recrutement - Par exemple, si l'employeur est libre de recruter le candidat de son choix, il ne doit se fonder que sur des critères objectifs et non discriminants ;
  • À la durée du travail - La loi fixe une durée légale (35 heures par semaines), éventuellement augmentée par un accord ou une convention. Elle fixe également une durée maximale de travail (10 heures par jour et 48 heures par semaines);
  • À la rémunération - Le salaire de base est négocié librement entre l'employeur et le salarié, mais il doit respecter le minimum légal (le SMIC) ou conventionnel. Le paiement du salaire est obligatoirement mensuel (sauf rares exceptions) ;
  • Au repos - Le salarié doit bénéficier d'un repos quotidien (11 heures consécutives) et hebdomadaire (24 heures consécutives). Il a droit à des congés payés ; ou
  • Au licenciement - La résiliation d'un contrat de travail à l'initiative de l'employeur (licenciement pour un CDI et rupture anticipée pour un CDD) est strictement encadrée, que le motif soit personnel (faute ou inaptitude du salarié) ou économique (difficultés de l'entreprise). Il peut donner lieu au versement d'indemnités.

Toutes ces règles sont propres au contrat de travail, et pourront être écartées par un contrat de freelance qui obéit à un régime plus souple.

2. Le contrat de freelance est un contrat de prestation de service

Le contrat de freelance est en réalité un contrat de prestation de service. À ce titre, il est principalement soumis aux dispositions du Code civil et le Code de commerce.

Remarque : lorsqu'un contrat de service est conclu entre un prestataire et un client consommateur (une personne physique agissant en dehors de son activité professionnelle), le contrat de service devra obligatoirement se conformer aux dispositions du Code de la consommation. De manière générale, ces règles visent à protéger le client consommateur, par exemple en interdisant certaines clauses abusives.

Les règles applicables au contrat de service laissent davantage de place à la liberté des parties, notamment durant la phase de négociation. Les parties sont libres de procéder selon le calendrier et la procédure souhaitée. Il est impératif toutefois que durant les négociations chaque partie agisse selon un principe de bonne foi.

En ce qui concerne les clauses du contrat, ici aussi les parties disposent d'une plus grande liberté, notamment pour définir :

  • Les conditions financières - Les parties décident du montant de la rémunération du prestataire en vertu du principe de la liberté des prix (il n'existe donc pas de minimum légal) ; ou
  • La durée, le renouvellement et les conditions de résiliation - Les parties peuvent librement choisir entre une durée déterminée ou indéterminée, prévoir un renouvellement automatique, et fixer les motifs ou la durée du préavis de résiliation.

Remarque : le contrat de prestation de service peut prévoir une clause pénale. Cette clause fixe un montant à payer en cas d'inexécution d'une obligation par un cocontractant. En droit du travail, le champ d'application d'une telle clause est fortement limité par le principe d'interdiction des sanctions pécuniaires et amendes à l'encontre d'un salarié (article L.1331-2 du Code du travail).

Si le contrat de service est plus libre, il ne doit pas pour autant présenter un caractère abusif. De manière générale, il convient lors de la conclusion du contrat de service de faire attention à ne pas stipuler de clauses trop déséquilibrées, qui favoriseraient de manière excessive une partie au détriment de l'autre. Il n'existe pas de liste des clauses abusives en matière commerciale, chaque situation étant évaluée au regard du contexte économique dans lequel s'inscrit le contrat.

Remarque : en matière commerciale, la notion de déséquilibre significatif (article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce) permet de sanctionner l'entreprise qui impose un contrat déséquilibré à son partenaire, en la condamnant au paiement de dommages et intérêts.

Il conviendra lors de la conclusion du contrat de service de respecter les règles d'ordre public auxquelles le contrat ne peut déroger, notamment en matière de droit de la concurrence et de droit des pratiques commerciales déloyales. On peut citer :

  • Les règles sur les délais de paiement - Le délai convenu entre les parties pour le règlement des sommes dues ne peut dépasser 60 jours à compter de la date d'émission de la facture ou, exceptionnellement, 45 jours fin de mois ;
  • Les règles sur la rupture brutale des relations établies - Même lorsque le contrat prévoit un préavis de rupture, le client pourra être sanctionné s'il rompt brutalement son contrat avec un partenaire commercial. Il devra donc toujours lui accorder un préavis raisonnable, dont la durée n'est pas définie par les textes et dépend de la durée de leurs relations.

3. Le contrat de travail se caractérise par un lien de subordination

Le contrat de travail et le contrat de service supposent tous les deux la fourniture d'un travail et le paiement d'une rémunération. En revanche, le contrat de travail se distingue en ce qu'il suppose un lien de subordination juridique entre l'employeur et l'employé.

Attention : l'existence d'un contrat de travail ne dépend pas de la volonté des parties ou du nom donné au contrat. Elle dépend uniquement des circonstances de fait dans lesquelles le travailleur exécute sa mission.

Il est essentiel d'être en mesure d'identifier cette subordination, car dès lors qu'il existe une telle relation entre un donneur d'ordre et le travailleur, il faut considérer que le contrat de travail existe de fait et que les dispositions du droit du travail s'appliquent. Le lien de subordination suppose que l'employeur :

  • dispose d'une autorité sur son employé ;
  • a le pouvoir de donner des ordres et des directives que l'employé est obligé d'exécuter ;
  • dispose d'un pouvoir de contrôle sur leur exécution ; et
  • peut imposer des sanctions disciplinaires en cas de manquements (avertissement, blâme, mise à pied, mutation disciplinaire, rétrogradation ou licenciement pour faute).

De façon générale, on dit que l'employeur dispose d'un pouvoir de direction qui lui permet de décider des conditions de travail de l'employé. L'employeur pourra par exemple:

  • choisir les affectations des employés ;
  • déterminer l'avancement par des promotions, des déclassements, des mutations ;
  • organiser la hiérarchie de l'entreprise et les services ;
  • fixer les horaires de travail ;
  • imposer des mesures relatives à l'hygiène et à la sécurité ;
  • décider de l'ouverture ou de la fermeture d'un atelier, d'un établissement ou même de l'entreprise.

Remarque : l'organisation des congés payés fait partie du pouvoir de direction de l'employeur. L'employeur peut ainsi décider de la fermeture annuelle de l'entreprise, ou de la fixation des dates de congés pour chaque employé. Il doit cependant prendre en compte la situation familiale et l'ancienneté du salarié, ainsi que les dispositions établies dans un accord ou une convention collective.

Dans l'exercice de son pouvoir de direction, l'employeur doit cependant respecter les limites imposées par la loi et les règlements, mais également :

  • par le contrat de travail lui-même - L'employeur ne peut pas modifier le contrat de travail sans l'accord du salarié, au moyen d'un avenant ;
  • par les droits et libertés fondamentaux - Par exemple, le droit au respect de la vie privée interdit à l'employeur de prendre connaissance des emails que l'employé a indiqués comme personnels. Le droit à une vie familiale et personnelle peut également limiter le pouvoir de mutation géographique de l'employeur.

4. Le risque de requalification du contrat de freelance

À la différence du contrat de travail, le contrat de freelance suppose que le travailleur indépendant n'est pas subordonné à son client. Le prestataire reste libre de l'organisation de son travail et de ses disponibilités (horaires ou périodes de congé), dans le respect des conditions négociées et inscrites au contrat (calendrier de réalisation de la prestation, heures d'intervention, etc.). Le travailleur indépendant peut toujours accepter ou refuser une prestation proposée.

Dans certains cas, notamment lors de la rupture des relations contractuelles, un travailleur indépendant pourra être tenté de demander au juge de requalifier son contrat de service en contrat de travail. L'intérêt pour lui sera de se voir reconnaître le statut de salarié, et donc de bénéficier des dispositions plus favorables notamment en matière de licenciement (indemnités de licenciement, congés payés, etc.).

Remarque : l'immatriculation du travailleur indépendant comme entrepreneur (au registre du commerce et des sociétés, à l'URSSAF, etc.) crée une présomption de non-salariat. La requalification reste toutefois possible s'il est démontré que le travailleur indépendant fournissait ses prestations dans des conditions qui le plaçaient dans un lien de subordination permanente à l'égard du donneur d'ordre.

Pour déterminer l'existence d'un lien de subordination, le juge se basera sur un faisceau d'indices. Il examinera des éléments qui séparément ne constituent pas nécessairement une preuve de subordination, mais qui lorsqu'ils sont tous réunis induisent le caractère salarial de l'activité. Parmi ces éléments de preuve, on peut citer :

  • l'obligation de se conformer à des consignes de travail détaillées, à des horaires et un lieu de travail imposés ;
  • l'obligation de rendre des comptes régulièrement et d'être soumis à un contrôle ;
  • la réalisation du travail au sein des locaux du donneur d'ordre avec son matériel ;
  • la détermination par le donneur d'ordres des tâches à effectuer, des horaires et du lieu de travail ; ou
  • l'existence d'une exclusivité ou d'une clause de non concurrence.

Attention : pour l'employeur qui dissimule un travail salarié, la requalification pourra avoir des conséquences lourdes, notamment :
- Le paiement d'un préavis et d'une indemnité de licenciement, voire de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Le paiement de congés payés sur la période ;
- Une indemnité forfaitaire de six mois de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;
- La régularisation des cotisations sociales auprès de l'administration.


Julien Poirée

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