L'épidémie mondiale de coronavirus Covid-19 et les mesures prises par le Gouvernement français pour ralentir sa propagation placent les entreprises devant des décisions délicates à prendre, notamment pour celles qui emploient du personnel. Ce guide présente un aperçu des stratégies pouvant être mises en place dans le cadre des relations entre un employeur et ses salariés.
Le coronavirus Covid-19 est un virus qui se répand de manière mondiale depuis le mois de janvier 2020. Il se transmet par le biais de gouttelettes. Une toux, un éternuement, une discussion en l'absence de mesures de protection ou encore le contact avec des mains souillées par des gouttelettes sont susceptibles de transmettre le virus.
Il convient donc d'éviter les contacts étroits avec une personne malade. La plupart des symptômes étant indécelables pendant la période d'incubation du virus, des mesures de distanciation sociale sont indispensables pour limiter la propagation de la maladie.
Les gestes sanitaires suivants, dits "gestes barrière", doivent impérativement être respectés :
Certaines entreprises font l'objet d'une fermeture administrative jusqu'au 15 avril 2020. Il s'agit d'établissements accueillant du public et donc l'activité n'est pas considérée comme essentielle à la vie de la nation. Cette mesure vise, par exemple, les restaurants, les bars, les musées ou encore les bibliothèques.
Les entreprises n'accueillant pas de public, mais dont l'activité n'est pas jugée essentielle à la vie de la nation peuvent décider, après avoir estimé les risques de contamination pesant sur les salariés dans le cadre de l'exercice de leur contrat de travail, d'avoir recours au dispositif de l'activité partielle.
Le dispositif d'activité partielle, également connu sous le nom de chômage partiel, permet aux employeurs de suspendre totalement ou partiellement les contrats de travail des salariés au sein d'un même établissement en raison :
L'employeur verse aux salariés une indemnité compensatrice pour les heures chômées correspondant au minimum à 70 % du salaire brut, ce qui correspond à environ 84% du salaire net. Cette indemnité lui sera remboursée par l'administration.
L'employeur peut décider de compléter cette indemnité pour que le salaire soit maintenu à son niveau habituel ou à un pourcentage plus élevé. Il n'obtiendra par de remboursement de l'administration pour la part d'indemnité excédant 70% du salaire brut.
Les salariés peuvent éventuellement bénéficier d'actions de formation pendant l'activité partielle, auquel cas l'indemnité susceptible de remboursement par l'administration est portée à 100 % du salaire net des salariés concernés.
Tout d'abord, l'employeur doit obtenir une autorisation préalable de l'administration pour placer son personnel en activité partielle. La demande s'effectue en ligne.
Lorsque l'entreprise emploie plus de 50 salariés, la mise en oeuvre de l'activité partielle nécessite une consultation préalable du Conseil Social et Economique, qui émet un avis. L'avis doit être joint à la demande présentée à l'administration.
L'administration dispose d'un délai de 15 jours pour se prononcer sur la demande d'activité partielle. En l'absence de réponse une fois ce délai écoulé, la demande est réputée acceptée.
L'employeur peut alors informer ses salariés de la mise en oeuvre du chômage partiel en leur adressant un courrier d'information daté et signé. Le courrier sera remis en main propre contre signature ou adressé au salarié par lettre recommandée avec avis de réception, afin de conserver une preuve du respect de la procédure.
En raison des circonstances exceptionnelles liées à la lutte contre la propagation du coronavirus, les autorités ont indiqué dans un communiqué en date du 16 mars 2020 qu'exceptionnellement, la demande pourrait s'effectuer a posteriori, dans les 30 jours suivant la mise en oeuvre du chômage partiel.
Après avoir obtenu cette autorisation expresse ou tacite de l'activité partielle par l'administration, l'employeur pourra déposer en ligne une demande de remboursement des indemnités versées aux salariés concernés.
Certaines entreprises doivent maintenir leur activité aux termes d'un arrêté en date du 15 mars 2020. Ce sont celles dont l'activité est essentielle à la vie de la nation, notamment celles qui assurent un service public.
D'autres entreprises qui n'accueillent pas de public et ne figurent ni sur la liste des établissements devant fermer temporairement leurs portes ni sur celles des activités devant absolument être maintenues, peuvent décider de poursuivre leur activité en mettant en oeuvre des mesures de sécurité adéquates pour lutter contre la propagation du virus Covid-19.
Le gouvernement a émis un certain nombre de recommandations à articuler avec les textes du Code du travail.
Dans un premier temps, l'employeur doit effectuer une mise à jour du document unique d'évaluation des risques. Il s'agit d'un document qui, conformément à l'article R4121-1 du Code du travail, doit être établi par l'employeur au moins une fois par an, et qui recense tous les risques auxquels sont exposés les salariés dans le cadre de l'exécution de leurs missions. En cas de circonstances exceptionnelles, ce document doit être actualisé.
La crise sanitaire liée au coronavirus est considérée comme une circonstance exceptionnelle justifiant une mise à jour du document unique d'évaluation des risques. En effet, elle crée de nouveaux risques pour les salariés. Les risques concernant la propagation du virus dans certaines situations doivent être pris en compte, aussi bien que ceux résultant d'une réorganisation du travail et de l'absence d'une grande partie du personnel.
Chaque fois que cela est possible, le télétravail doit être privilégié par l'employeur. Il s'agit d'une organisation du travail dans laquelle le salarié accomplit des missions exercées habituellement dans les locaux de l'entreprise en dehors de ces derniers. Il peut utiliser pour ce faire son propre matériel ou alors du matériel mis à disposition par l'entreprise.
En temps normal, la mise en oeuvre du télétravail nécessite l'accord du salarié. Le refus du salarié ne peut entraîner de sanction de la part de l'employeur. Cependant, en période de circonstances exceptionnelles, telles que la lutte contre la propagation du coronavirus, le télétravail peut être mis en place de manière unilatérale par l'employeur, sans l'accord du salarié. Il s'agit alors d'un aménagement du poste de travail pour répondre à un risque de crise sanitaire, dont le refus par le salarié constitue une faute de sa part.
En cas de modification importante des conditions de travail, le Comité Social et Economique doit être consulté avant la mise en oeuvre du télétravail. En dehors de cette hypothèse, il n'y a pas de formalité particulière à respecter pour mettre en place le télétravail en cas de circonstances particulières.
L'employeur peut profiter de ces circonstances pour établir une charte de télétravail générale, qui vaudra aussi bien pour les circonstances exceptionnelles qu'en temps normal. Il peut aussi établir une charte applicable uniquement pendant la période de lutte contra la propagation du coronavirus.
Attention : certaines clauses des chartes de télétravail valables pendant les périodes normales ne le sont pas pendant les circonstances exceptionnelles.
Par exemple, il est courant de demander au salarié en télétravail de se consacrer uniquement à son activité professionnelle pendant les horaires de travail, à l'exclusion d'autres activités comme la garde des enfants. En période de lutte contre la propagation du coronavirus, le Gouvernement demande précisément aux parents de prendre soin de leurs enfants et de les aider à suivre leur programme scolaire tout en télétravaillant. Les employeurs devront accepter la baisse de productivité éventuellement liée à cette situation. Elle ne saurait justifier une réduction du salaire.
Certaines activités ne sont pas adaptées au télétravail. L'employeur doit alors s'assurer que ses salariés puissent effectuer les trajets entre l'entreprise et leur domicile dans le respect des règles imposées par le Gouvernement dans le cadre du confinement.
Depuis le 17 mars 2020, les déplacements sont interdits sur le territoire français sauf pour les personnes pouvant justifier d'un motif dérogatoire. L'un des motifs dérogatoires concerne les déplacements nécessaires à l'exercice de l'activité professionnelle.
Les salariés concernés doivent se munir d'une attestation établie par l'employeur pendant leurs déplacements de nature professionnelle. Le gouvernement met à disposition un modèle.
L'employeur doit établir une attestation pour chaque salarié devant se déplacer pour se rendre sur son lieu de travail. L'attestation est valable pendant toute la durée du confinement.
L'employeur qui choisit de maintenir son activité ou qui y est contraint doit satisfaire à son obligation de veiller à la sécurité et à la santé physique et morale de ses salariés prévue par l'article L4121-1 du Code du travail.
Lorsque les salariés n'ont que des contacts brefs et ponctuels avec le public ou entre eux, le seul respect des gestes barrière décrits ci-dessus suffit à diminuer le risque de contagion. Le respect de ces gestes peut nécessiter la réalisation d'aménagements dans l'entreprise.
Par exemple, le respect de distance d'au moins un mètre entre deux personnes et l'injonction d'éviter les interactions de plus de 15 minutes supposent de renoncer à l'organisation de réunions de travail en présentiel. Les bureaux ou postes de travail peuvent être espacés afin de respecter un périmètre de sécurité de un mètre entre chaque salarié. Les horaires de pause café ou déjeuner peuvent être décalés afin d'éviter un regroupement des salariés dans la même pièce pendant un laps de temps important. L'employeur doit permettre aux salariés de faire des pauses régulières pour aller se laver les mains. Un point d'eau ou du gel hydroalcoolique doit être mis à disposition.
Lorsque les salariés sont en contact fréquent et prolongé avec de nombreuses personnes, l'employeur doit prendre des mesures renforcées pour protéger aussi bien ses salariés que le public d'un risque de contamination. Il s'agit par exemple d'instaurer une zone de courtoisie d'un mètre minimum entre les salariés et le public et d'assurer un nettoyage régulier des sols et surfaces à l'aide de produits détergents et désinfectants appropriés.
De telles mesures dérogatoires et spécifiques prises par l'employeur peuvent être communiquées aux salariés dans une notice d'information dédiée, afin que ces derniers soient parfaitement informés des mesures prises pour les protéger.
C'est aussi une manière pour l'employeur de se prémunir de l'exercice de son droit de retrait par un salarié qui estimerait que sa vie ou son intégrité physique sont menacées du fait de ses conditions de travail. A l'heure actuelle, le Gouvernement indique que le droit de retrait est présumé injustifié dès lors que l'employeur respecte les recommandations sanitaires communiquées par le Gouvernement dans le cadre de l'organisation du travail.
Le vendredi 20 mars, le ministère de l'Economie a encouragé les entreprises à verser aux salariés qui continuent à venir travailler en cette période à risques une prime défiscalisée et exonérée de cotisations sociales pouvant atteindre jusqu'à 1000 euros, afin de récompenser leur implication en cette période de circonstances exceptionnelles.
Le mécanisme, qui sera précisé dans les jours à venir, relève d'une décision unilatérale de l'employeur, comme c'était le cas pour la "Prime Macron" de pouvoir d'achat mise en place exceptionnellement en décembre 2018.