Bail d'habitation : dans quels cas le propriétaire peut-il mettre fin au contrat ?

Dernière révision : Dernière révision :18 février 2019
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Le propriétaire qui souhaite mettre fin au bail d'habitation de son locataire doit respecter une procédure strictement encadrée par la loi. L'hypothèse la plus simple, car elle ne suppose pas de recours au juge, reste le non-renouvellement du bail. Le propriétaire peut en effet donner congé à son locataire en fin du bail, dans des cas limités : en cas de reprise du logement pour y habiter (où loger un membre de sa famille), le vendre, ou lorsqu'il existe un motif légitime et sérieux comme un comportement fautif du locataire, ou le besoin de réaliser des travaux.

En revanche, la résiliation du bail avant son terme n'est possible qu'en cas de non-respect par le locataire de ses obligations. Dans ce cas, le propriétaire devra assigner le locataire devant la justice afin de faire prononcer la résiliation. Cette demande sera facilitée dans le cas où clause résolutoire est prévue par le contrat.

1. Le propriétaire peut donner congé en fin de bail dans certains cas précis

Le bail d'habitation est toujours conclu pour une durée déterminée. Elle est, en règle générale, de trois ans lorsque le propriétaire est un particulier et de six ans lorsqu'il est une société ou une association. Lorsqu'elle arrive à son terme, cette durée peut faire l'objet d'un renouvellement par les parties, volontairement ou de manière tacite (si aucune partie ne se manifeste). Lorsque le propriétaire souhaite s'opposer à ce renouvellement, il doit en informer le locataire en lui donnant congé à l'expiration du bail en cours.

Le congé constitue donc le premier moyen pour le propriétaire de mettre fin au bail. Mais dans la mesure où le renouvellement du bail est un droit pour le locataire, les conditions autorisant le propriétaire à s'opposer à ce renouvellement sont limitées par la loi. Cela n'est possible que lorsque le propriétaire souhaite reprendre le logement pour y habiter (ou loger un membre de sa famille), le vendre, ou lorsqu'il peut justifier sa décision par un motif légitime et sérieux. Chacun de ces motifs pourra faire l'objet d'un contrôle par le juge en cas de contestation du locataire.

Le congé pour reprise du logement

Le propriétaire peut décider de reprendre le logement pour y habiter où y loger un proche. Les proches pouvant bénéficier de cette reprise sont limités : il s'agit du conjoint, du partenaire de PACS ou du concubin, des ascendants, descendants ou de ceux du conjoint, du partenaire ou du concubin.

La personne bénéficiant de la reprise devra obligatoirement y habiter à titre de résidence principale. Le propriétaire doit en outre justifier du caractère réel et sérieux de la reprise. Cela signifie que le propriétaire doit donner au locataire les raisons pour lesquelles il souhaite habiter dans le logement (ou en faire bénéficier un proche). Par exemple, le motif de reprise du propriétaire qui souhaitait loger son fils à moindre coût a été jugé réel et sérieux (décision de la cour d'appel de Paris du 22 mars 2018 n° 16/21138).

Attention : le propriétaire qui donne congé frauduleusement, sans avoir réellement l'intention de reprendre ou de vendre, s'expose à des sanctions pénales (6.000 euros d'amende pour une personne physique).

Le congé pour vente du logement

Le propriétaire peut reprendre le logement pour le revendre (même si la vente d'un logement en cours de bail reste possible). Dans ce cas, le locataire dispose d'un droit de priorité sur la vente, aussi appelé droit de préemption. Attention, ce droit de préemption n'est pas applicable :

  • lorsqu'il s'agit d'un logement meublé, ou
  • lorsque l'acheteur du logement est un parent du propriétaire (jusqu'au 3e degré inclus, c'est-à-dire neveu, oncle, grands-parents ou arrière-grands-parents).

Lorsque le droit de préemption s'applique, le congé donné par le propriétaire vaut offre de vente au locataire, qui dispose alors de deux mois pour répondre. En cas de silence ou de rejet de l'offre de vente par le locataire, le propriétaire pourra alors reprendre le logement afin de le vendre au tiers intéressé.

Le congé pour motif légitime et sérieux

Le propriétaire peut donner congé au locataire s'il estime avoir un motif légitime et sérieux pour ne pas reconduire le bail. La loi ne fixe pas de liste précise de tels motifs. En pratique, il pourra s'agir d'une faute commise par le locataire, par exemple :

  • une dégradation importante des lieux loués ;
  • des retards répétés dans le paiement des loyers ; ou
  • l'existence d'une sous-location interdite.

Le congé pour motif légitime et sérieux peut également être donné pour des raisons indépendantes de toute faute du locataire. Les cas les plus fréquents sont la réalisation de travaux (par exemple la restructuration de deux chambres de service en un seul studio) ou la nécessité de détruire l'immeuble.

2. La procédure à suivre pour donner congé

La délivrance du congé par le propriétaire doit respecter les formes strictes prévues par la loi. En cas de non-respect, le congé pourra être déclaré nul et le bail renouvelé.

Le congé doit être notifié par écrit, par acte d'huissier, lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre (le congé par lettre simple n'est pas suffisant). La lettre doit détailler les motifs qui justifient le congé, qui doivent être réels et sérieux. Il faut ajouter des mentions parfois requises :

  • pour les congés pour reprise, la lettre doit indiquer l'identité et les coordonnées du bénéficiaire de la reprise, l'indication de son lien avec le propriétaire, et la raison de la reprise ;
  • pour les congés pour vente avec droit de préemption du locataire, la lettre doit contenir le prix et les conditions de vente du logement, la description précise du projet de vente, et la reproduction des termes de l'article 15-II, alinéas 1 à 5 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.

Article 15-II, alinéas 1 à 5 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989

"Lorsqu'il est fondé sur la décision de vendre le logement, le congé doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente projetée. Le congé vaut offre de vente au profit du locataire : l'offre est valable pendant les deux premiers mois du délai de préavis. Les dispositions de l'article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ne sont pas applicables au congé fondé sur la décision de vendre le logement.

À l'expiration du délai de préavis, le locataire qui n'a pas accepté l'offre de vente est déchu de plein droit de tout titre d'occupation sur le local.

Le locataire qui accepte l'offre dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur, d'un délai de deux mois pour la réalisation de l'acte de vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. Le contrat de location est prorogé jusqu'à l'expiration du délai de réalisation de la vente. Si, à l'expiration de ce délai, la vente n'a pas été réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est nulle de plein droit et le locataire est déchu de plein droit de tout titre d'occupation.

Dans le cas où le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l'acquéreur, le notaire doit, lorsque le bailleur n'y a pas préalablement procédé, notifier au locataire ces conditions et prix à peine de nullité de la vente. Cette notification est effectuée à l'adresse indiquée à cet effet par le locataire au bailleur ; si le locataire n'a pas fait connaître cette adresse au bailleur, la notification est effectuée à l'adresse des locaux dont la location avait été consentie. Elle vaut offre de vente au profit du locataire. Cette offre est valable pendant une durée d'un mois à compter de sa réception. L'offre qui n'a pas été acceptée dans le délai d'un mois est caduque.

Le locataire qui accepte l'offre ainsi notifiée dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur ou au notaire, d'un délai de deux mois pour la réalisation de l'acte de vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, la vente n'a pas été réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est nulle de plein droit."

En outre, lorsque le congé est donné pour vente ou pour reprise, le propriétaire doit obligatoirement joindre à la lettre de congé la notice d'information relative aux obligations du bailleur et aux voies de recours et d'indemnisation du locataire, fixé par l'arrêté du 13 décembre 2017 (qui peut être directement reproduit).

Remarque : en cas de contestation par le locataire, le juge pourra vérifier la réalité du motif du congé et le déclarer invalide s'il n'apparaît pas justifié. Il dispose pour cela d'un pouvoir de contrôle étendu. Le propriétaire doit donc impérativement justifier dans la lettre le motif du congé avec le plus de détails possible.

La délivrance du congé doit respecter un délai de préavis minimum, qui diffère si le logement est vide ou meublé. Le congé doit être donné au plus tard :

  • 6 mois avant l'échéance du bail dans le cas d'un logement vide ; ou
  • 3 mois avant l'échéance du bail dans le cas d'un logement meublé.

Après notification du congé, le locataire peut quitter le logement avant l'expiration du préavis, à condition de fixer avec le propriétaire la date de l'état des lieux de sortie et de remise des clés. Il est redevable des loyers et des charges jusqu'à cette date.

3. Les exceptions au droit du propriétaire de donner congé

La possibilité de donner congé est limitée par la loi, lorsque le logement est occupé par un locataire protégé, où lorsque le logement a été acquis par le propriétaire en cours de bail.

Personnes protégées

Lorsque le logement est occupé par une personne protégée, le propriétaire ne peut en principe pas lui donner congé sauf à trouver une solution de relogement.

Les personnes protégées sont :

  • les locataires de plus de 65 ans disposant de revenus inférieurs au plafond de ressources pour les conventions à loyer social ; et
  • les locataires de moins de 65 ans ayant des revenus inférieurs au plafond de ressources pour les conventions à loyer social, qui hébergent à leur charge une personne de plus de 65 ans.

Cette règle est écartée lorsque le propriétaire a lui-même plus de 65 ans, ou s'il possède des revenus inférieurs à ces mêmes plafonds.

Remarque : tous les plafonds sont consultables sur le site de l'Agence nationale de l'habitat.

Logement acquis avec un bail non meublé en cours

Lorsqu'un nouveau propriétaire fait l'acquisition d'un logement sur lequel porte un bail vide (ou non meublé), il doit parfois respecter un certain délai avant de pouvoir donner congé pour reprise ou vente.

  • Lorsque la durée restante du bail au jour de l'acquisition est inférieure à trois ans, le congé pour vente est impossible avant au moins un renouvellement du bail.
  • Lorsque la durée restante du bail au jour de l'acquisition est inférieure à deux ans, le congé pour reprise ne pourra prendre effet qu'à l'expiration d'un délai de deux ans à partir de la date d'achat.

Exemple 1 : le logement a changé de propriétaire le 1er mars 2018. Il fait l'objet d'un bail non meublé de trois ans qui court jusqu'au le 31 août 2020 : il reste donc deux ans et six mois de bail avant expiration. Un congé pour reprise prendra effet dès la fin du bail en cours. En revanche, un congé pour vente ne prendra effet qu'à l'expiration du premier renouvellement, soit au 31 août 2023.

Exemple 2 : le logement a changé de propriétaire le 1er mars 2018. Il fait l'objet d'un bail non meublé de trois ans qui court jusqu'au le 31 août 2019 : il reste donc un an et six mois de bail avant expiration. Un congé pour reprise ne prendra effet que deux ans après l'achat, soit au 1er mars 2020. Un congé pour vente ne prendra effet qu'à l'expiration du premier renouvellement, soit au 31 août 2023.

4. La résiliation judiciaire en cours de bail en cas de faute du locataire

Contrairement au locataire, le propriétaire ne peut pas librement résilier un bail d'habitation en cours. Il peut en revanche solliciter la résiliation en justice, à condition de prouver que le locataire ne respecte pas ses obligations contractuelles. Pour cela, le propriétaire doit assigner par huissier le locataire devant le tribunal d'instance de la ville où est situé le logement.

Remarque : avant toute saisine du juge, le propriétaire doit mettre en demeure, par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte d'huissier, le locataire d'exécuter ses obligations. La mise en demeure permet au propriétaire de justifier qu'il a tenté de trouver une solution amiable au litige.

La résiliation judiciaire pourra être prononcée s'il est démontré que la locataire a commis une faute suffisamment grave pour justifier la fin du bail. Il n'existe pas de liste limitative des fautes justifiant une résiliation judiciaire. Parmi les cas les plus courants, on trouve la demande de résiliation judiciaire pour cause de travaux non autorisés, ou de sous-location interdite. Dans tous les cas, il revient au juge d'apprécier si la violation du contrat de bail est réelle, et si elle est suffisamment grave pour justifier la rupture du bail et l'expulsion du locataire.

Remarque : le juge peut toujours accorder au locataire un délai de grâce pour le paiement de ses dettes, lorsqu'il fait face à des difficultés financières. Ces délais ne peuvent dépasser trois ans.

Une fois que le juge aura ordonné la résiliation du bail et l'expulsion du locataire, le propriétaire pourra faire intervenir un huissier pour remettre au locataire un commandement de quitter les lieux. Le locataire dispose alors de deux mois pour quitter les lieux. En cas de refus, le propriétaire devra engager une procédure d'expulsion.

5. Le recours à la clause résolutoire en cours de bail

La clause résolutoire permet de résilier le bail de plein droit dans le cas où le locataire ne remplirait pas certaines de ses obligations. Elle est une garantie pour le propriétaire, mais elle doit être explicitement prévue par le contrat.

Les obligations du locataire qui peuvent être soumises à cette clause sont limitées par la loi (article 4 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989). Il s'agit des obligations de :

  • payer le loyer, les charges ou le dépôt de garantie ;
  • souscrire à une assurance des risques locatifs ; et
  • user paisiblement du logement sans troubles du voisinage.

Toute autre stipulation contractuelle sera réputée non écrite (et donc ignorée par le juge).

La clause résolutoire ne permet pas d'éviter le recours au juge, car lui seul peut prononcer la résiliation. En revanche, elle permet de simplifier la mission du juge, qui se limitera à constater l'existence de la faute sanctionnée par la clause résolutoire (on parle d'acquisition de la clause résolutoire), sans avoir à se prononcer sur la gravité des faits.

La procédure à suivre pour mettre en œuvre une clause résolutoire est définie par la loi de façon stricte. Le propriétaire doit toujours dans un premier temps mettre en demeure le locataire d'exécuter ses obligations, selon une procédure spécifique à chaque cas :

  • en cas de défaut de paiement, le propriétaire doit faire délivrer par voie d'huissier un commandement de payer précisant les sommes réclamées. Le locataire dispose alors d'un délai de deux mois pour payer ;
  • en cas de défaut d'assurance, le propriétaire doit adresser au locataire par voie d'huissier un commandement de fournir une attestation d'assurance. Le locataire dispose alors d'un délai d'un mois pour fournir l'attestation ;
  • en cas de troubles du voisinage, le propriétaire doit adresser au locataire une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte d'huissier, ordonnant de faire cesser immédiatement les troubles.

Au terme de cette mise en demeure, si l'inexécution du locataire perdure, le propriétaire devra assigner le locataire devant le tribunal d'instance. Le juge devra alors se prononcer sur l'existence de la faute du locataire et l'acquisition de la clause, et le cas échéant prononcer la résiliation du contrat.


Julien Poirée

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